« Comme des petits, allez dire… »

Devinez, frères et sœurs, quel est le jouet favori de l’enfant Jésus. À Nazareth, tout le monde le sait : le petit raffole des… poupées gigognes ! Oui, ces figurines rondes et joviales qu’on emboîte les unes dans les autres. On en ouvre une : à l’intérieur, il y en a une deuxième, plus petite. On l’ouvre à son tour, et on en découvre une troisième, plus petite encore. Et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’on ait déniché la dernière et la plus petite de toutes – et la petite dernière, c’est souvent… un bébé !

Dieu a « l’esprit gigogne ». Et il l’a depuis longtemps. Il a commencé à jouer à ce jeu bien avant de se faire petit enfant dans la Crèche.

La Bible nous le dit : d’abord, si Dieu a choisi Israël, c’est parce que c’était le plus petit de tous les peuples. Ensuite, lorsqu’Israël a voulu un roi, Dieu est allé le chercher dans le plus petit des clans : à Bethléem. C’est là qu’il envoie le prophète Samuel, auprès de Jessé, pour donner l’onction royale à l’un de ses fils. Enfin, quand Dieu passe en revue les garçons de Jessé, son regard ne s’attache pas au plus costaud d’entre eux, mais à David, le plus jeune… et le plus gringalet !

Bref ! Israël, Bethléem, David : à chaque fois, Dieu penche pour le petit dernier !

Eh bien, réjouissons-nous ! D’après ce qui s’est passé ici, à Lourdes, les goûts du Ciel n’ont pas changé.

En prenant Bernadette pour messagère, la Vierge Marie a choisi ce qu’il y avait de plus petit, pour ne pas dire de plus méprisé.

Certes, Bernadette n’était pas la petite dernière dans sa famille. Elle était même l’aînée. Mais, aux yeux des braves gens de Lourdes, que pouvait-il sortir de bon de chez Soubirous ?

D’ailleurs, Bernadette elle-même l’a affirmé : « Si la Sainte Vierge m’a choisie c’est parce que j’étais la plus ignorante. Si elle en avait trouvé une plus ignorante que moi, c’est elle qu’elle aurait prise ».

Dieu ne regarde pas comme les hommes. L’histoire de David nous l’a rappelé : « le Seigneur regarde le cœur ».

Et que voit-il, dans ce cœur ? Il voit l’enfant qui dort au fond de chacun de nous : ce petit être, muet et fragile, que nous passons notre vie à bâillonner, au lieu de le laisser vagir. Année après année, nous nous épuisons à le cacher sous les carapaces successives que les accidents de la vie nous font enfiler.

En fait, nous avons un peu « le cœur gigogne » ! Ça tombe bien, Dieu s’y connaît en la matière. Si nous le laissons faire, il ouvre patiemment, l’une après l’autre, chacune de ces boîtes que nous avons refermées sur notre vie. Jusqu’au jour où il libère le cri, si longtemps retenu, de notre nouvelle naissance.

Et si c’était cela, l’enjeu de notre Pèlerinage cette année ? Et si, pendant ces quelques jours, nous acceptions de laisser jubiler l’enfant de Dieu que l’Esprit Saint façonne en nous depuis notre baptême ? Et si nous arrêtions de jouer aux grandes personnes et de nous dire, comme ce personnage rasoir du Petit Prince : « Je suis un homme sérieux, je suis un homme sérieux »…

Au contraire, laissons-nous attirer joyeusement par «le petit dernier»: celui ou celle qui gigote en nous ; mais, plus encore, celui ou celle qui est là, à côté de nous. Qui sait ? Cette personne n’a peut-être rien pour attirer mon attention, mais elle pourrait bien être le messager que Dieu m’envoie et que l’Évangile d’aujourd’hui m’invite à accueillir comme le Christ.

Reconnaître la Parole de Dieu dans les balbutiements des plus petits, consentir à devenir soi-même un enfant afin de naître à la vie du Ciel, ce n’est pas une option pour les amateurs de spiritualité «Bébé Cadum». Le Seigneur vient de nous l’expliquer : c’est une nécessité.

Les saints ont un cœur d’enfant. À la suite de Jésus, le plus humble de tous les hommes, à la suite de Marie, la plus humble de toutes les femmes, les saints se jettent dans les bras de Dieu en l’appelant « Papa ».

C’est ce langage du cœur qui fait d’eux de si remarquables missionnaires. Ils se savent aimés. Ils se savent pardonnés. Ils se savent appelés à partager la vie même de Dieu. Comment pourraient-ils rougir d’exulter ?

Alors oui, frères et sœurs, « comme Bernadette, comme des petits, allez dire »… Ne nous tracassons pas si nous n’avons pas la parole facile. Le langage du cœur passe aussi par les gestes et les émotions. Pourvu que, comme Dieu, nous ayons « l’esprit gigogne » et que nous mettions à l’honneur les petits derniers.

JoomSpirit
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